Ancien Gouverneur du Nord-Kivu et doctorant en Sciences Sociales et Politiques à l’Université de Kinshasa, Julien Paluku Kahongya fait part de sa contribution aux travaux de la table ronde sur l’état de siège dans les Provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu.

La ville de Kinshasa, Capitale de la RDC abrite depuis lundi 14 Août 2023, des travaux de la table ronde sur l’état de siège en Ituri et au Nord-Kivu. Ces assises qui portent sur l’évaluation de cette mesure exceptionnelle instituée dans les deux Provinces de l’Est du Pays depuis Mai 2021, ont été officiellement lancées au palais du peuple par le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi.

Dans une tribune intitulée “contribution du politologue Julien Paluku, Doctorant à l’Université de Kinshasa, faculté des sciences sociales et politiques aux travaux de la table ronde sur l’état de siège dans les Provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu”, l’auteur présente quelques faits qui ont marqués l’état de siège et les propositions y relatives.

Sur le plan factuel, il a reconnu que pendant l’état de siège les recettes de ces deux Provinces viennent de connaître une augmentation de 30%, une satisfaction pour la maîtrise de la mobilisation financière.

« Ce sont les hommes en Uniforme qui s’illustrent dans la fraude sur tous les plans, du domaine minier au trafic d’influence en passant par l’intimidation. L’avènement des officiers généraux à la tête des Provinces avec des pouvoirs exceptionnels ne pouvait que créer la peur chez les criminels économiques de leurs rangs, que l’autorité civile ne pouvait sanctionner », écrit Julien Paluku Kahongya.

L’insécurité persistante au Nord-Kivu et en Ituri

Par ailleurs, il démontre plusieurs faiblesses de l’état de siège, plus de deux ans après son instauration.

« C’est avec l’état de siège que le M23 a refait surface en juin 2022 avec la prise de la cité stratégique de Bunagana le 13 juin 2022, soit 13 mois et 10 jours après l’instauration de cette mesure exceptionnelle. C’est pendant l’état de siège que les territoires de Rutshuru et Masisi sont occupés dans leur majeure partie par le M23, avec le massacre historique de Kishishe entre le 29 novembre et le 1er décembre 2022, précédé et suivi par d’autres massacres à Ntamugenga, Tongo, Kitchanga,…en territoire de Rutshuru, dont le bilan dépasse 1.000 morts. C’est pendant l’état de siège qu’il s’observe la prolifération des groupes armés en Ituri et au Nord-Kivu, au point d’en dénombrer maintenant plus de 200. C’est pendant l’état de siège que l’on assiste à la flambée des conflits fonciers, suscitant ainsi de réflexe d’autodéfense de part et d’autre, des cimetières sont profanés, des concessions et bâtiments publics sont spoliés à grande échelle. Deux ans et 3 mois après l’instauration de l’état de siège, la situation sécuritaire reste la même si pas pire qu’avant », explique-t-il.

Le politologue Julien Paluku Kahongya estime que l’état de siège n’a pas répondu au souci du Président de la République et aux attentes du peuple. Pour ce faire, il propose la levée de cette mesure exceptionnelle en projetant une nouvelle solution qui va lier les actions diplomatiques, politiques et militaires.

La matérialisation du programme DDRC-S

« Au niveau diplomatique et politique, de poursuivre les processus de Nairobi et de Luanda car un Pays ne peut se développer en vase clos. Dans cette optique, il est nécessaire de mettre des moyens financiers dans le PDDRC-S au lieu de se limiter à des déclarations d’intentions. Pour décrisper la situation politique du Nord-Kivu, il est important que la CENI ouvre les Bureaux de Réception et de Traitement des Candidatures (BRTC) à Goma, afin d’enregistrer les candidatures de Rutshuru et Masisi. Cela donnerait de l’espoir aux populations de cette partie de la République qu’elles bénéficient de la même attention que d’autres et qu’il n’y a aucun schéma ayant pour but de les exclure du processus électoral », fait-il savoir.

La création d’un État-major général avancé à Beni

Sur le plan militaro-politique, il recommande la création d’un État-major Général avancé à Beni comme point central pour gérer les opérations en Ituri et au Nord-Kivu.

« Cet Etat-Major Général avancé doté des pouvoirs exceptionnels qui dérogent à l’organisation générale des forces armées est à placer sous le commandement direct du Commandant Suprême. Cela éviterait la lourdeur administrative, le tripatouillage décrié dans la gestion des fonds destinés aux opérations militaires et les interférences des échelons militaires ordinairement connus. Et cet Etat-Major Général avancé s’appuierait sur les autorités locales en termes des renseignements par le partage des moyens mis à disposition. À l’intérieur de cet Etat-Major Général avancé fonctionneraient deux centres de résistance, l’un à Goma et l’autre à Bunia », ajoute-t-il.

Enfin, il encourage la relocalisation des commandants ayant servi pendant plusieurs années sans interruption, le lancement d’une vaste campagne de recrutement des policiers et l’entrée en fonction des nouvelles autorités territoriales après une formation d’immersion.

La Rédaction