Dans le sud du territoire de Lubero, dans la province du Nord-Kivu, les hôpitaux et centres de santé éprouvent d’énormes difficultés pour avoir accès à l’énergie électrique. Une situation à la base de leur dysfonctionnement.

La quasi totalité des structures sanitaires de ce coin de la partie Est de la République Démocratique du Congo (RDC) ne sont pas desservies en énergie électrique. Les rares qui en bénéficient, c’est grâce à des initiatives locales qui n’arrivent pas à répondre aux besoins ressentis.

« Dans notre structure, nous travaillons avec EMMK, une source privée d’énergie. Le courant étant insuffisant pour faire tourner nos appareils, il nous sert seulement pour l’éclairage. Nous sommes en difficulté », affirme Francine Kasoki Mahuka, Administratrice Gestionnaire du Centre de santé de Bwatsinge.

Au centre de santé Butsiri de Kikuvo, une situation similaire est déplorée par le personnel soignant.

« Les services qui ont plus besoin du courant électrique dans notre structure sont la maternité, la médecine interne, la pédiatrie et les services de réanimation. Il y a aussi d’autres services comme le laboratoire. Il y a des examens qu’on pouvait réaliser la nuit et qui nécessitent du courant électrique », regrette Augustin Kambere, Infirmier Titulaire.

Défi de la desserte en courant électrique

Le sud de Lubero héberge des microcentrales hydroélectriques tenues par des particuliers. Entre autres, la société d’Electrification Mighobwe-Kirumba-Kasando (EMKK). Avec une capacité de 80 kilowatts, elle fait face aux coupures intempestives et chutes de tensions liées aux problèmes techniques.

La microcentrale hydroélectrique Mondo Gusto qui produit 15 kilowatts fonctionne depuis 1988. D’après Bienvenu Mumbere Kalyata, secrétaire administratif de Mondo Gusto, plusieurs matériels se trouvent en panne et d’autres dans un état de vétusté.

« Aujourd’hui, nous produisons seulement 15 kw. Nous utilisons un alternateur de 24 kW. Bien avant, nous avions un alternateur de 83 kW. […] Nous sollicitons un appui du Gouvernement pour que nous ayons encore suffisamment de l’électricité qui va aider la population de Kikuvo et les villages environnants, particulièrement le centre local de santé », plaide-t-il.

Dans le village Kaseghe, Kasereka Kivako gère une microcentrale hydroélectrique de 5 kilowatts portant son nom et qui est aussi confrontée à une série de pannes.

« Nous avons beaucoup de difficultés, principalement des pannes répétitives. Nous sommes incapables de nous procurer des pièces de rechange », fait savoir l’initiateur.

Des solutions palliatives prolifèrent

Pour faire face aux difficultés d’accès à l’énergie électrique, les formations sanitaires dans le sud de Lubero recourent aux panneaux solaires afin de produire de l’énergie photovoltaïque. Le centre de santé Butsiri dispose d’un kit solaire comme plan de secours.

« Quand le courant n’est pas là, nous avons des panneaux solaires que nous utilisons. Mais, nos batteries ne sont pas de bonne qualité. Pour avoir une bonne batterie, il faut avoir au moins 200 USD », déclare Augustin Kambere.

Le centre de santé de Kaseghe s’est désabonné de l’unité hydroélectrique de Kivako suite au coût élevé d’accès et l’instabilité du courant électrique. Grâce à l’appui de l’ONG RCHA-RDC, il s’est doté d’un kit de panneaux solaires dans le but d’assurer le bon fonctionnement des activités.

« Nous n’avons pas réussi à continuer avec le courant de Kivako car il était coûteux pour nous. C’était 70 dollars par mois. Par rapport à nos moyens, c’était trop. Le courant en question fonctionne aussi avec des coupures », témoigne Maguy Kalemba, son Administratrice Gestionnaire.

Projets d’électrification des structures sanitaires

Un projet d’électrification des structures sanitaires exécuté par l’ONG Research Center for Humanitarian Aid (RCHA-RDC) basée en ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, tente de répondre à cette problématique.

Jackson Mbusa Mughuma, Directeur Exécutif de RCHA, explique que ce projet fait suite à une évaluation de la qualité et la fiabilité de l’électricité menée dans 25 structures sanitaires par la Division Provinciale de la Santé. Il cible, dans un premier temps, six (6) structures sanitaires au Nord-Kivu. À savoir, les centres de santé de référence de Kirumba, de CEPROMI, de Kaseghe, de Kitsombiro, le centre hospitalier de Malende à Butembo et l’Hôpital Général de Référence de Kyondo.

« Nous avons constaté que la qualité d’électricité influence sur les vies humaines, les équipements biomédicaux et une incidence sur la mortalité selon les données du canevas SNIS que nous essayons d’exploiter. Cela nous a motivé à proposer ce projet au niveau de l’USAID, plus particulièrement au programme HETA. Pour le Nord-Kivu, nous avons 6 structures et 4 autres sont au Kasaï Oriental. Le projet était couplé par la dotation de quelques équipements biomédicaux dont les stérilisateurs, des filtres d’eau, des concentrateurs d’oxygène », explique-t-il.

Le Docteur Benjamin Kombi, médecin traitant du centre de santé de référence de Kirumba, reconnait l’apport complémentaire de ce projet dans l’amélioration de la qualité des services rendus au bénéfice de la population.

Des panneaux solaires deviennent une source d’énergie électrique pour les centres de santé au Sud de Lubero.

« Les interruptions momentanées du courant nous rendaient une tâche difficile lorsque nous nous retrouvions dans la salle d’opération. Nous utilisions parfois des lampes torches avec tous les risques. Nous ne pouvions pas utiliser certains matériels comme un échographe. Actuellement, nous sommes satisfaits puisque le fonctionnement de tous nos appareils est correct », salue-t-il.

L’électrification des zones rurales et urbaines fait partie des défis majeurs en République Démocratique du Congo. Et pourtant, selon le rapport de 2020 publié par la Banque Africaine de Développement (BAD), la RDC est considérée comme une puissance énergétique potentielle grâce à ses immenses ressources naturelles représentant 13% du potentiel mondial.

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