En République Démocratique du Congo, particulièrement au Nord-Kivu, nombreuses femmes sont encore incapables d’exprimer leurs talents sur la scène publique. Mais, Shekinah Mwiraulu Tudy en fait une exception. Elle brise les stéréotypes du genre en devenant maîtresse des cérémonies.
par Providence Birugho
Shekinah Mwiraulu, âgée d’une vingtaine d’années, anime des cérémonies de fêtes auxquelles sont conviés des centaines d’hommes et femmes. Lors d’une activité nuptiale en octobre 2024 à Eden River en ville de Butembo, c’est la femme au micro qui agrémente l’atmosphère. Elle reçoit l’admiration des invités ! Pour certains, c’est la première fois de voir une femme animer une cérémonie nuptiale. Pour d’autres, c’est la deuxième.
« C’est la deuxième fois que je participe aux fêtes qu’elle anime. C’est une innovation comme la plupart de cas ce sont les hommes. Elle se débrouille correctement plus que même certains hommes animateurs », lance un invité.
Sa passion de micro remonte dès son jeune âge. Elève à l’institut de Katwa, elle participait aux émissions culturelles radiodiffusées de soleil culture. Une expérience qui lui a permis de forger son talent d’animatrice. Ses débuts professionnels commencent en 2019 alors qu’elle était étudiante à Université Officielle de Ruwenzori, UOR/Butembo.
« J’avais d’abord le rêve. Mais ma préoccupation était de connaitre dans quel secteur m’investir exactement. J’ai approché certaines figures remarquables de l’animation dans la région comme Léon Syahava et docta Muongo pour des orientations », relate-t-elle.
Surpasser les critiques et la peur
Shekinah Mwiraulu a connu des défis liés principalement aux stéréotypes du genre. Les critiques des hommes et découragements des autres ne l’ont pas empêchée.
« Il y a des hommes qui minimisent encore les efforts de la femme ; des femmes qui ont du mal à encourager les initiatives de leurs semblables. Nombreux croient que la femme ne peut pas accomplir des exploits,… D’autres personnes pensent que le fait de nous tenir en public en tant que femme fait de nous des femmes autoritaires dans le foyer », déplore-t-elle.
Pour elle, c’est un rêve qui prend corps. Son arme reste la détermination et la confiance en soi.

« J’ai pris le courage d’essayer pour motiver les autres femmes à croire en leurs capacités. J’ai mis de côté la sous-estimation. Je réalise petit à petit ce que je voulais devenir. On ne doit pas sacrifier son talent juste parce qu’on a peur de ne pas être épouser un jour », déclare Shekinah Mwiraulu.
Le président de l’Association des animateurs et décorateurs en ville de Butembo salue l’évolution progressive de la femme.
« Au moins les choses sont en train d’évoluer. Nous voyons aujourd’hui certaines femmes et filles prendre conscience qu’elles peuvent aussi devenir maitresses de cérémonie. Ça donne le courage aux autres d’essayer un jour », salue Jonas Musitu, dit J20.
Jonas J20 reconnait que la femme possède des potentialités, mais elle a besoin de la motivation. À l’en croire, certaines normes sociales rétrogradent l’émergence des femmes.
« La carrière est ouverte à tout le monde, les hommes comme les femmes. On les encourage pour créer de l’équilibre et l’harmonie. L’animation c’est d’ailleurs une bonne opportunité pour les femmes, comme elles ont des atouts nécessaires dans la carrière. A part les belles voix, elles ont aussi la romance. Mais, les femmes hésitent de se lancer parce qu’elles ont peur d’être jugées par la société », regrette-t-il.

Shekinah Tudy entreprend d’autres activités génératrices de revenus pour son autonomisation financière, telles que la décoration, la sonorisation, la vente et location des chaises et des instruments ainsi qu’une boutique d’habits festifs. Elle participe également dans l’encadrement des jeunes filles et garçons.
Un pas franchi dans la lutte
L’organisation des Femmes Leaders pour le Progrès de la Jeune Fille, FELP/JF, se félicite des avancées significatives dans la lutte pour la promotion des droits de la femme. Liliane Musavuli, coordonnatrice de FELP/JF fait allusion à la présence des femmes et filles dans des métiers, considérés comme « métiers des hommes ».
« Voir aujourd’hui les jeunes filles qui commencent à travailler pour leur autonomisation, c’est déjà un pas franchi. Nous encourageons toutes ces femmes qui entreprennent selon leurs capacités et celles qui intègrent des métiers pratiqués plus par les hommes », encourage-t-elle.
Liliane Musavuli cite la sous-estimation, le découragement et l’insécurité en milieu professionnel, la mauvaise foi de certaines personnes et le mythe du sexe féminin, comme des obstacles à l’épanouissement de la femme.
Il n’y a pas de carrière réservée aux femmes ou aux hommes. La prise de conscience par la communauté et la femme elle-même brisera les barrières entre l’homme et la femme. La détermination et l’engagement de certaines femmes qui réussissent en dépit des préjugés, sont une source d’inspiration et une voie pour un avenir meilleur, sans discrimination.
Cet article a subi une modification lundi 2 décembre 2024 au niveau du dixième paragraphe. Nous nous en excusons !
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